Eugénie Bastié, c’est la nouvelle idole de la droite décomplexée : pas vraiment féministe au sens femeniste du terme, catholique offensive, conservatrice délurée (on pense qu’elle a déjà couché malgré ses 24 ans et sa bonne éducation), c’est la nouvelle bestiole qui affole les compteurs médiatiques. Moderne, la jeune fille twitte comme d’autres rafalent. À côté d’elle, les bimbos de gauche lancées par Ruquier font figure de dindes soumises d’un autre âge. Eugénie lance à toute force des bûches dans le feu du débat, et les flammes qui montent font immanquablement briller ses yeux clairs d’une lueur diabolique.
Aujourd’hui, Eugénie a lancé une grenade dans la mare télévisuelle française en s’attaquant à la gauche bobo et à la vulgarité populo. Pas de pitié pour Barthès et Hanouna, assimilés à la peste et au choléra. On aurait plutôt dit « au sida et au choléra » mais on ne va pas pinailler sur le côté médical de l’analogie. Ce que veut dire Eugénie – un prénom de bonniche très XIXe – c’est que le public est pris en sandwich entre l’injonction gauchiste parisienne et le rabaissement du divertissement populaire. Pour un peu, on traduirait cette attaque en charge contre la gauche socialiste et la droite libérale.
Si certains internautes lui font remarquer qu’elle n’a qu’à tourner le bouton de sa télé (maintenant il paraît qu’il existe des appareils pour commander sa télé à distance, et on peut changer de programme sans bouger son cul du divan, c’est fou), ça ne règle pas le problème pour autant. Celui d’un public qui doit choisir entre mépris de la dominance culturelle gauchiste LGBT, et la soupe versée par la dominance économique sioniste. Le mot n’est évidemment pas prononcé, car la petite perle du Figaro pense à sa carrière. Pas de chance !
Le premier à avoir sauté sur la brûlante pépite, c’est Thomas Thouroude, ex-animateur de Canal+. Qui en a fait une chroniqueuse de son émission, au côté de personnes peu recommandables. Après des années de purges et de relégation, la droite décomplexée revient sur les plateaux, mais en tant que « preuve de pluralisme démocratique ». On tolère, sans plus. C’est pas non plus Eugénie, du haut de ses 24 ans, qui va foutre le feu au Système et à sa carrière.
On reste dans les réseaux sociaux, les résoces, avec une double attaque en piqué venue des ailes droite et gauche, contre les porte-avions Twitter et Facebook. Les « Zero » (nippons) du jour sont Riss, le dessinateur survivant de Charlie Hebdo, devenu son très controversé patron, c’est pas nous qui le disons, et l’acteur Thierry Lhermitte, qui fait dans la critique bateau :
« Internet, c’est super, mais c’est aussi une perte de temps car tellement addictif ! Twitter, c’est le café du commerce à grande échelle. Je regarde mon profil Facebook 25 fois par jour en me demandant quelle nouvelle connerie je vais y trouver. En plus, comme je fais du cheval, j’ai accepté plein de gens de plein de milieux différents. Mais il y a des monstres et des racistes ! »
Lhermitte ajoute qu’il a longtemps envoyé de fausses citations sur Facebook pour y pêcher des « abrutis », tandis que Riss, lui, défend la position de son journal dans l’affaire de la plainte italienne (pas encore officielle) contre deux dessins, en comparant Twitter à une « crétinosphère ».
Merde, les gars, on vous comprend pas : vous avez du pognon, du succès, avec un talent pas si flamboyant – c’est pas Reiser et Al Pacino – et vous venez vous plaindre qu’il y a des gens qui peuvent enfin s’exprimer hors des canaux que vous représentez, et que vous occupez. Mais réveillez-vous, il va falloir vous y faire, à cette critique. On en a déjà parlé, on va pas refaire le débat, mais ce mépris affiché des membres de l’élite – ben oui, vous en êtes – est tout bonnement indécent. Prenez le pognon, répondez à tous les médias complices qui vous tendent le micro, et lâchez la grappe aux autres.
La critique, on l’accepte ou on la quitte (ça veut rien dire mais ça clôt bien le paragraphe).
27 février 1997, Vilvoorde, la mondialisation tombe sur la gueule des ouvriers
On sort du monde virtuel pour entrer dans le monde réel, celui de l’industrie, de l’ouvrier, du patronat et de la politique dure. Alstom est cette entreprise industrielle française implantée entre autres à Belfort, où elle emploie 400 salariés. Alors qu’un énorme contrat pour la livraison de TGV est signé avec les Américains le 26 août, dans un concert de cocoricos (en vérité les TGV seront fabriqués aux États-Unis avec notre technologie), soudain, une nouvelle stupéfiante tombe : le site historique de Belfort va fermer.
Or l’État, qui est actionnaire à hauteur de 20% dans la société majoritairement privée, ne pouvait pas l’ignorer. Pourtant, le pouvoir socialiste feint de découvrir la triste nouvelle, électoralement parlant. Parce que socialement, il s’en fout comme de sa première fausse facture. L’épisode rappelle celui que Jospin avait connu à la fin des années 90 avec Vilvoorde, l’usine de fabrication de voitures Renault en Belgique. Le site avait « dû » fermer, et Jospin avait sorti son célèbre « l’État ne peut pas tout », qui signait l’abandon du combat de la gauche sociale de gouvernement.
Rappelons que dans le gouvernement Valls 2 ou 3 (les chiffres représentant le nombre d’attentats importants qui ont meurtri les Français pendant son mandat de Premier ministre), il y a un grand ministère de l’Économie, qui consiste à obéir à la paire Bruxelles-MEDEF, et un tout petit secrétariat d’État à l’Industrie, qui passe son temps à inaugurer sa mort. Le PDG d’Alstom, qui ne doit rien à l’État, a donc pris cette décision avec les actionnaires majoritaires, et le représentant du gouvernement, qui s’appelle Sirugue, fait semblant d’avoir été berné. On y croit.
Cependant, connaissant la « reptilité » intrinsèque d’un Hollande, qui ne veut, qui ne peut pas vivre un Vilvoorde 2, un sauvetage « socialiste » du site est pressenti. Ça coûtera ce que ça coûtera, mais le socialisme sera sauf, et les ouvriers heureux. Jusqu’au lendemain du second tour de l’élection présidentielle du 7 mai 2017. Là, le village Potemkine hollandiste s’effondrera en un clin d’œil. Et les ouvriers seront à poil derrière.